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Le Maroc d'aujourd’hui

Le Maroc d'aujourd’hui

Le terme arabe pour désigner le Maroc, Al Maghrib, signifie étymologiquement « le lieu où le soleil se couche », « l’occident ». A ce Finistère de l’orient, les géographes arabes anciens ont d’ailleurs donné le nom d’ « Occident extrême ». il serait ainsi l’Occident de cet Orient encore un peu mythique aux yeux du voyageur européen. Un Maroc qu’on s’attend donc à trouver familier.

Pourtant, à peine y a-t-on posé le pied que le sentiment d’être vraiment ailleurs s’impose. Cette étrangeté est inscrite elle aussi dans la racine du mot Al Maghrib, qui évoque, en même temps que le couchant, le voyage lointain et l’exil. Le Maroc d’aujourd’hui vit à l’heure de la mondialisation et des progrès technologiques, tout en conservant un héritage politique, social et culturel bien à lui. En cela, il continue de répondre à la signification dont son nom arabe est porteur : proche et étranger à la fois. Telle une médaille, il a deux faces.

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Monde urbain et monde rural

Le Maroc compte actuellement plus de 36 millions d’habitants, alors qu’on n’en recensait que 11,6 millions en 1960. En majorité ruraux jusqu’n 1988, les marocains sont aujourd’hui, pour 55 % d’entre eux, des citadins, bien que l’exode rural soit encore relativement contenu. Mais la précarité de la vie à la campagne conduit les petits paysans à céder, de plus en plus, à l’appel de la ville, avec l’espoir d’y trouver un emploi et des conditions d’existence meilleurs.

Ce qui frappe donc, c’est une croissance démographique rapide et une tendance à la concentration dans les villes. C’est également le fossé qui sépare le monde urbain du monde rural. Le slogan touristique « Maroc, terre de contrastes » vaut incontestablement pour la beauté des paysages, la diversité des populations et la richesse culturelle du pays. Il est aussi pertinent pour exprimer, de manière lapidaire, les inégalités régionales, sociales et économiques qui le caractérisent.

La médina ouverte sur le monde et secrète

La médina, qui constitue le noyau urbain initial, a conservé son ordonnancement et son architecture traditionnels. Elle reste le lieu privilégié du petit souks et en kissaria, c’est-à-dire en corporations de commerçants et d’artisans ; ses quartiers d’habitations sont agencés autour des quatre points essentiels que sont la mosquée, la fontaine, le hammam et le four.

Cependant, si la tradition se maintient vivante, elle n’exclut pas la pénétration de certaines formes de modernité dans la vie quotidienne. Qu’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore, la médina d’aujourd’hui voit la coexistence souvent très gaie de la poterie séculaire avec le plastique, de la djellaba avec la copie de ce qui se fait de plus mode en occident, de la psalmodie du coran avec les derniers succès de la musique raï, rock ou techno, ou encore des minarets ornés de boules en cuivre avec les terrasses hérissées d’antennes parabolique.

Un lieu très ouvert, donc, malgré les murailles qui le cernent et le séparent de la ville moderne. Cette ouverture au monde de l’espace public n’altère en rien l’espace privé. Qu’il s’agisse d’habitations modestes ou de riches palais, l’intimité des familles y est préservé du regard extérieur par des façades aveugles et des seuils de porte en forme de chicane. Délaissées par les grandes familles citadines, qui leur préfèrent d’immenses villas parfois clinquantes, dans les quartiers huppés de la ville moderne, les anciennes belles demeures de la médina sont soit occupées, soit investies par des familles de milieu populaire, souvent d’origine rurale, qui les habitent à plusieurs, sans moyens pour les entretenir.

La médina ouverte sur le monde et secrète

La ville marocaine : deux en une

Pays de forte tradition rurale, le Maroc a aussi développé une remarquable civilisation urbaine. Ses villes impériales, Rabat, Fès, Meknès et Marrakech, témoignent du rayonnement qui fut le leur depuis le Moyen âge. Aujourd’hui, les grandes cités marocaines présentent deux visages : la ville traditionnelle, ou médina, et la ville moderne, née avec la colonisation française et souvent dite « ville nouvelle ».

La ville marocaine : deux en une

La campagne marocaine : le pot de fer et le pot de terre

C’est dans le monde rural que les transformations profondes intervenues depuis le début du xxe s. sont le moins visibles pour le visiteur de passage.

Bien souvent, ce dernier ne retiendra que l’image du petit fellah retournant un bout de terre avec un araire antique, même s’il lui arrive de voir de vastes champs travaillés à l’aide de machines modernes. Qu’en est-il au juste ? Les campagnes marocaines, qui sont très largement dépendantes des contraintes physiques et surtout climatiques, sont aussi le produit de l’histoire qui les a façonnées. Leur organisation traditionnelle, autour de la tribu, fondée sur la complémentarité de la culture et de l’élevage, a été bouleversée par la colonisation, qui s’est emparée de la plupart de meilleures terres, et a remis en cause les modalités d’occupation de l’espace. De ce fait, deux types d’exploitations ont vu le jour : les petites propriétés aux grands domaines pratiquant une culture intensive.

Cette configuration persista après l’indépendance. Les terres de colonisation, qui ont été nationalisées par étapes en 1959, 1963 et 1973, sont passées aux mains de l’Etat et des grands propriétaires ou ont été distribuées à de petits paysans sans terre, invités à se regrouper en coopératives. Cette redistribution s’accompagna d’un programme de modernisation des espaces par remembrement, d’irrigation et d’électrification afin de réduire les inégalités sociales et de contenir l’exode rural. Aujourd’hui néanmoins, sur un million et demi d’exploitations, 70 % ont moins de ha et représentent environ 2 millions d’hectares de surface agricole utile sur un total de près de 9 millions. Les 30 % restants occupent les trois quarts des terres agricoles du pays.

Dans cette dualité très marquée, la partie entre le pot de fer et le pot de terre est d’autant plus inégale que les caprices du ciel s’en mêlent.

La campagne marocaine : le pot de fer et le pot de terre

La ville moderne : côté cour et côté jardin

La ville moderne a été conçue par le résident général Lyautey, avec le concours d’éminents architectes urbanistes, tels que Prost et, plus tard, Ecochard, comme une entité séparée de la médina. Elle abritait, départ, les services de l’administration et de l’équipement mis en place par le protectorat français. La population européenne y édifia ses quartiers, avec commerces, cafés, restaurants et cinémas. Si, de nos jours, cette partie continue à être désignée comme le centre-ville, elle a néanmoins perdu de son prestige. Désertée par les grands bourgeois, elle est surtout un lieu d’activités diurnes : univers des petits fonctionnaires et, plus largement, des employés du secteur tertiaire. On y travaille le jour et on s’y promène à la tombée de la nuit, après le rituel café crème-pâtisserie dégustez, de 18 h à 20 h, dans les nombreux « salons de thé ».

Peu à peu, la ville moderne s’est étendue. Les anciennes familles patriciennes qui furent à l’origine des quartiers résidentiels périphériques – où les rares commerces sont des supermarchés – sont aujourd’hui rejointes par les nouveaux riches, issus des milieux d’affaires et de la haute administration. Ici, les jours s’égrènent, à l’abri de murs élevés, dans un luxe souvent tapageur, parmi une végétation luxuriante. De l’autre côté, dans une sorte de face à face distant, bien représentatif du Maroc à deux vitesses, se trouvent les quartiers populaires. A proximité des bidonvilles qui disparaissent ici pour se recréer là, ils prennent tantôt l’allure de cités- dortoirs construites dans les années 1970, sans souci esthétique d’ensemble et sans grand équipement urbain, tantôt la forme de lotissements assez anarchiques, plantés de petits immeubles qui, tributaires du budget du des familles restent longtemps inachevés.

L’eau si précieuse

Depuis des années, le Maroc souffre de sévères périodes de sécheresse qui rendent le monde rural fortement dépendant des ressources en eau du pays. Les techniques séculaires d’irrigation, encore en usage de nos jours témoignent du savoir-faire et de l’ingéniosité des populations marocaines pour capter l’eau. Des barrages de dérivation, des seguias, des khettara, des puits et des norias ont depuis longtemps été aménagés dans les montagnes et les oasis. Dès le début des années 1960, une politique de grands barrages (mise en œuvre auparavant par le protectorat français) a été accélérée par le Maroc indépendant, pour l’irrigation, la production hydro-électrique et l’alimentation en eau potable hydro-électrique et l’alimentation en eau potable. A côté des grands espaces, de petites premières irriguées ont vu le jour grâce à l’essor des motopompes. Souvent introduites par les marocains résidents à l’étranger (installés en France, en Belgique, en Hollande, en Italie) qui consacrent une partie de leurs revenus à l’amélioration des conditions de vie et de travail de leurs proches restés au village et qui initient des projets de développement, ces motopompes remplacent les procédés traditionnels. C’est désormais le cas dans les oasis.

Afin de lutter contre la détérioration de la situation économique et sociale en milieu rural, due en grande partie à la sécheresse, un programme interministériel, adopté en 1999, prévoit : installation hydrauliques, adduction d’eau potable, électrification, construction de routes, aménagement et entretien des écoles rurales, annulation et report des dettes pour les petits agriculteurs. Autant de mesures pour répondre à l’urgence, tenter de réduire l’hiatus qui sépare le monde rural du monde urbain et endiguer l’exode vers les villes.

A l’ampleur de ces problèmes s’ajoute un paradoxe : les grands propriétaires terriens (famille régnante, proches du pouvoir, hauts fonctionnaires et gardés de l’armée, patrons ou actionnaires et gradés de l’armée, patrons ou actionnaires d’entreprises ainsi que de holdings), ne vivant pas à la campagne, perçoivent difficilement l’intérêt qu’il y a à terme – pour tous, eux y compris – à stabiliser la population rurale grâce à l’aide qu’ils pourraient apporter en équipements et en accompagnement social et culturel.

Les petits paysans sont aujourd’hui marginalisés face au capitalisme agraire, qui a été le principal bénéficiaire des politiques antérieures (grands travaux d’irrigation,, exonération fiscale accordée au monde agricole de 1984 à 2000) et qui sera le mieux armé pour supporter, à partir de 2010, les effets de l’accord de libre-échange signé, en 1995, entre le Maroc et l’Union européenne.

L’eau si précieuse

Le souks : une relation ville-campagne

Véritable ville de toile, dressée pour quelques heures sur une aire en terre battue, le souk est agencé en « rues » et en « quartiers » où commerces et métiers sont regroupés par spécialités. Souvent partis de leurs villages au petit jour, les paysans arrivent au souk en cohortes, après avoir parcouru de longues distances (10 km et parfois plus), à pied, à dos d’âne et de mulet, en autocar et, plus récemment, à l’arrière de petites camionnettes de marques japonaises. Ils y apportent leurs productions agricoles et artisanales : grains, fruits, légumes, bétail, volailles…, mais aussi poterie, laine et tapis. Ils en repartent avec les produits venus de la ville : sucre, thé, épices, gaz butane, ustensiles en plastique. Les artisans, quant à eux, offrent les services traditionnels (couture, cordonnerie, forge, coiffure et médecine ancestrale) et des prestations plus récentes : réparation de radiocassettes, de téléviseurs et de cyclomoteurs.

Le souk est également un lieu de contact avec l’administration. On y règle des affaires variées : état civil, justice, courrier et visite au dispensaire ; on y reçoit certaines informations à caractère médico-social (vaccination, malnutrition, planification familiale et contraception…). Mais, dans le duo des haut-parleurs qui grésillent, lequel des deux discours sera le plus entendu ? Celui du fonctionnaire du ministère de la santé présentant les qualités respectives du stérilet et du préservatif ? Ou bien celui du bonimenteur ventant les effets miraculeux de ses préparations sur l’impuissance sexuelle ?

Enfin, le souk est un espace de convivialité. Sous la tente, les repas composés, au choix, de thé, de brochettes, de kefta (boulettes de viande hachée et grillée), de tajines et de beignets permettent de se restaurer, de se détendre et de deviser en compagnie avant de reprendre le long chemin du retour. De plus en plus, le souk donne naissance à une nouvelle ville, contribuant ainsi à l’urbanisation des compagnes. C’est le cas quand il est situé près d’un axe routier, ou lorsque des commerces fixes s’installent dans son périmètre ou à proximité. Une petite ville aux allures de relais ou d’étape routière se développe alors le long de l’axe de communication, parfois jusqu’à déplacer le souk de son espace initial et à l’excentrer.

Le souks : une relation ville-campagne